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HISTOIRE

de la galerie un détachement du génie est occupé à former une barricade avec des banquettes.

Les insurgés s’arrêtent brusquement ; ils se croient pris dans une embûche. « Nous sommes trahis ! » s’écrient-ils, et aussitôt leurs armes s’abaissent ; mais le capitaine Dunoyer s’avance entre eux et les gardes municipaux, et, s’adressant au commandant « Vous êtes tous des braves, lui dit-il ; vous pouvez vous défendre, mais à quoi bon ? le roi est en fuite. Le peuple vainqueur arrive de toutes parts ; aucun de vous n’échappera à sa colère. Laissez là vos armes, fiez-vous à nous, et nous jurons de vous sauver. »

Le maréchal des logis tend la main à Dunoyer, et donne ainsi le signal de la paix ; aussitôt les soldats élèvent la crosse de leurs fusils en criant À bas Guizot ! vivent les enfants de Paris ! vive la garde nationale ! vive la réforme ! Puis ils déposent leurs armes, jettent à terre leurs équipements et leurs cartouches, et viennent serrer la main des gardes nationaux et des insurgés. Ceux-ci, craignant d’être surpris par l’invasion du peuple, se hâtent de quitter une partie de leurs vêtements pour en couvrir les gardes municipaux ; on protège leur retraite à travers la foule en armes, qui déborde déjà dans les salons. On les escorte par petits groupes ; on les conduit au poste du pavillon Marsan, que vient de quitter le 52e de ligne. Là, ils achèvent de se travestir, puis ils sortent isolément, comme ils peuvent[1].

    place des Victoires, qu’ils avaient remis à la troupe de ligne après avoir reçu l’ordre de se replier sur les Tuileries, et d’environ 65 hommes venus du Château-d’Eau. Ils étaient commandés par le maréchal des logis Roubieu et par le lieutenant Périn. Un chef de bataillon du génie les avait placés dans la galerie du musée qui communique avec les Tuileries ; il avait fait établir avec des banquettes une espèce de barricade ; puis, répondant au lieutenant Périn, qui lui demandait la consigne : « Vous vous battrez, s’il le faut, » avait-il dit ; après quoi il avait disparu.

  1. Le zèle des Insurgés à sauver les gardes municipaux est attesté par ceux-ci avec les expressions de la plus vive reconnaissance, dans une déclaration collective. Le votontaire Lacombe père, qui n’avait pas quitté la colonne de Dunoyer depuis le matin, prend le maréchal des