Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/274

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
HISTOIRE

la princesse et l’invite à monter dans l’une des deux voitures qui sont la, prêtes à partir pour aller chercher la régente et le jeune roi, ajoutant qu’il a plein pouvoir pour lui offrir tout ce qu’il pourrait désirer. « Ne comptez ni sur moi, ni sur mes compagnons d’armes, lui répond Dunoyer ; nous ne sommes pas ici pour servir les princes. » Presque au même moment, M. Lemrcier, en grand uniforme de colonel de la garde nationale, s’approche et renouvelle à Dunoyer les mêmes instances et les mêmes promesses ; mais, voyant qu’il ne peut le persuader, il monte sur le siége de l’une des voitures et part pour la Chambre. Un gardien du château, interrogé par les insurgés, leur dit que le roi est encore dans ses appartements. Aussitôt ils s’avancent vers le pavillon de l’Horloge. La, ils rencontrent le colonel Bilfeld, gouverneur du château, pâle, hors de lui. Il se jette dans les bras de Dunoyer et le supplie de l’épargner. Celui-ci le rassure, mais l’engage à quitter son uniforme et à sortir au plus vite des Tuileries. Trois insurgés se détachent pour accompagner le colonel jusque dans ses appartements. De plus en plus surpris du succès de leur audace, les insurgés pénètrent dans le vestibule du pavillon de l’Horloge, d’où ils aperçoivent au loin, dans le jardin, dont les grilles d’enceinte sont encore fermées, le cortège fugitif de madame la duchesse d’Orléans qui touche à la place de la Concorde. Ils montent le grand escalier, croyant à chaque pas être assaillis. Ils parcourent ainsi avec précaution plusieurs salles et galeries ; Le général Carbonel, enveloppé d’un caban, passe rapidement près d’eux et se retourne pour recommander au volontaire Lacombe de ne rien gâter dans les appartements. Dans une pièce de service, un garçon lampiste est tranquillement occupé à nettoyer un verre de lampe.

Enfin l’on arrive à la salle du trône. Deux faisceaux de drapeaux tricolores en soie frangée d’or ornent les deux côtés du fauteuil royal. Chaque insurgé veut s’y asseoir à son tour. Dunoyer fait à ses compagnons d’armes une allo-