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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

charge, la colonne reprend sa marche à travers la place presque déserte, et parvient jusqu’au poste de l’état-major, où stationne, l’arme au pied, la garde nationale de service, composée de plusieurs détachements de la quatrième, de la cinquième et de la sixième légion.

Dunoyer invite le commandant à se joindre à lui pour pénétrer ensemble dans les Tuileries ; celui-ci s’y refuse en alléguant qu’il a un service commandé et qu’il n’y saurait manquer sans un ordre supérieur. Malgré ce refus, les insurgés passent outre. Presque aussitôt les divers détachements quittent la place, tournent par la rue de Rohan et vont se répartir dans plusieurs postes voisins. La colonne de Dunoyer se rapproche alors de la grille du château et bientôt elle y entre par le guichet de l’Échelle, que l’on vient d’ouvrir pour la garde nationale de service ; elle marche avec ordre, tambours en tête et la crosse en l’air. Elle se déploie dans la cour des Tuileries aux cris de : Vive la réforme ! La garde nationale, alignée près du poste de l’Échelle et le long du pavillon de l’Horloge, reste morne et silencieuse.

Une artillerie formidable est encore en bataille dans la cour. Le vingt-cinquième régiment de ligne, sous les armes, stationne devant le poste où est déposé son drapeau. On voit, plus loin, un bataillon du génie et de forts détachements de cavalerie. Au milieu de tout cet appareil guerrier règne un profond silence. La consternation paraît sur tous les visages. Dunoyer s’avance alors vers le commandant du cinquante-deuxième. « Tout Paris est en révolution, lui dit-il ; la garde nationale, le peuple et l’armée fraternisent ; nous venons ici fraterniser avec le brave cinquante-deuxième. » Les officiers répondent à Dunoyer qu’ils se préparent à partir ; un sergent, qu’il interroge sur le nombre de cartouches dont il dispose, lui montre sa giberne vide.

Sur ces entrefaites, un valet de chambre du comte de Paris aborde Dunoyer ; il luiannonce que la duchesse d’Orléans est à la Chambre, ! e conjure de protéger le retour de