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HISTOIRE

l’effusion du sang. Sa compagnie, dit-il, est l’avant-garde de l’armée populaire et vient demander le libre passage.

L’un des officiers va consulter le colonel, qui, à la vue des gardes nationaux mêlés au peuple, élève en l’air la poignée de son épée ; aussitôt les soldats dressent la crosse de leurs fusils. Un passage s’ouvre devant la colonne révolutionnaire ; elle traverse le Louvre aux cris de : Vive la France ! vivent les cuirassiers ! vive la ligne ! La musique du régiment répond à ces cris, en jouant la Marseillaise.

Pendant ce temps, quelques insurgés s’étaient glissés un à un le long du quai des Tuileries, en fraternisant avec les soldats. Ils ne tardent pas à pénétrer dans la cour du Carrousel par le guichet de l’Orangerie.

La cour des Tuileries est occupée par de nombreuses troupes, mais la place du Carrousel est complètement évacuée. Une foule en armes, venant de la rue Saint-Thomas, commence à l’envahir, au moment même où la colonne de la rive gauche achève de passer le guichet du Louvre ; trois coups de canon se font entendre ; une fusillade retentit sur la ligne du château : elle tue et blesse plusieurs insurgés. La colonne de Dunoyer riposte, ainsi que le groupe qui avait pénétré par le guichet de l’Orangerie. Plusieurs balles mortelles atteignent à la fois un malheureux piqueur en grande livrée rouge, qui conduisait au château deux chevaux des écuries royales, destinés aux voitures de madame la duchesse d’Orléans. Aussitôt, sur les instances de quelques-uns des siens, Dunoyer commande un mouvement de retraite pour aller s’assurer de nouveau des dispositions de la troupe qui gardait la tête du pont du Carrousel. On fraternise ; les cuirassiers annoncent qu’ils veulent retourner à Versailles, leur ville de garnison. Pendant ce temps, le chasseur Tordeux, qui avait vu plusieurs pièces d’artillerie sortir de la cour des Tuileries par le guichet du pont Royal, va observer si elles ne prennent point une direction offensive ; il constate qu’elles se dirigent vers la place de la Concorde. Alors les tambours des insurgés battent la