Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
INTRODUCTION.

nouvelles en harmonie avec le degré de civilisation où l’humanité était parvenue.

Rétablir sur les ruines de l’autorité catholique un pouvoir religieux qui dirigeât tous les progrès de l’industrie, de la science et de l’art vers ce but suprême : l’amélioration la plus rapide possible du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, telle était en substance la conception de Saint-Simon.

En publiant le Nouveau Monde industriel et sociétaire, Charles Fourier s’attaquait plus spécialement à la fausse industrie et au commerce mensonger ; mais il n’hésitait pas plus que Saint-Simon devant la nécessité d’un renouvellement complet de la société et d’une entière transformation de notre civilisation prétendue, qu’il qualifiait de honteuse et abominable barbarie. Ces deux hommes s’étaient vus de leur vivant raillés et bafoués. Esprits intuitifs, absolus, d’une excentricité que l’orgueil égara jusqu’à l’hallucination, et qui confondaient perpétuellement le monde des réalités avec le monde des chimères, trop en dehors du milieu social pour y pouvoir être compris, Saint-Simon et Fourier étaient morts dans l’isolement ; mais leur parole n’était point morte avec eux. Elle avait été recueillie par des disciples pleins de zèle. Elle s’était répandue lentement d’abord, puis avec une rapidité toujours croissante. Elle avait donné naissance à des doctrines, à des théories, à des systèmes divers et souvent contradictoires en apparence, mais d’accord néanmoins sur les points essentiels. Toutes ces doctrines protestaient contre l’excès de la liberté et contre les abus du droit individuel, auquel elles opposaient le principe de