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CHAPITRE XII

Le peuple aux Tuileries.


Après la fuite de Louis-Philippe, la duchesse de Montpensier, qui n’avait pu trouver place dans les voitures du roi, se rendit à pied chez M. Jules de Lasteyrie, rue de Miroménil. Le duc de Wurtemberg et son fils s’étaient échappés par la galerie du Louvre. Le général Sébastiani, ayant revêtu des habits bourgeois, avait quitté les Tuileries en même temps que Louis-Philippe et s’était réfugié dans l’hôtel de son frère, rue du faubourg Saint-Honoré. Quant au maréchal Bugeaud, dédaignant toutes précautions, il sortit à cheval, en uniforme, lentement, fièrement, écartant à droite et à gauche les carabines des insurgés qui affluaient sur le quai. Comme il se dirigeait vers le faubourg Saint-Germain, il se croisa, sur le Pont-Royal, avec un groupe d’hommes du peuple qui, l’ayant reconnu, se mit à murmurer : « À bas Bugeaud ! Mort à Bugeaud ! » Le maréchal était déjà loin, quand le bruit confus de ces menaces frappa son oreille. Aussitôt il tourna bride, marcha droit sur le groupe d’où elles partaient. « Qu’est-ce que j’entends ? s’écria-t-il ; vous voulez la mort de Bugeaud ? mais le connaissez-vous bien, Bugeaud ? savez-vous ce qu’il a fait pour son pays ? Bugeaud est un des derniers qui aient envoyé des balles aux Prussiens et aux Russes, quand ils me-