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HISTOIRE

en très-gros caractères, cette abdication si impatiemment attendue ; donnez-moi le temps.

— Vous vous en repentirez, messieurs, s’écriait la reine dont l’effervescence allait croissant ; vous demandez l’abdication du meilleur des rois.

— Que le roi, du moins, n’abdique pas ainsi, sans avoir tenté de repousser l’émeute, reprend M. Piscatory ; il y a encore plus de trois mille hommes dans la cour du château[1] ; mettez-vous à leur tête, prince, » continue-t-il en s’adressant à M. le duc de Montpensier. « Que conseillez-vous, monsieur ? dit le prince à M. Thiers avec un embarras visible. — Je n’ai pas de conseils à donner, répond celui-ci ; je ne suis plus rien. »

Seule, Marie-Amélie continuait de soutenir M. Piscatory. Fière, noble, courageuse comme l’avait été Marie-Antoinette à pareille heure, elle voulait mourir en reine plutôt que de vivre humiliée.

Ému de ce grand courage si mal secondé, M. Piscatory ploye le genou devant elle et baisant sa main royale : « Ah madame, lui dit-il à demi-voix, vous êtes la seule personne que je vénère ici !

— Vous ne connaissez pas le roi, reprend la reine d’un accent peiné ; c’est le plus honnête homme de son royaume. »

Cependant le roi venait d’achever d’écrire son abdication elle était ainsi conçue :

« J’abdique cette couronne, que la voix nationale m’avait appelé à porter, en faveur de mon petit-fils le comte de Paris.

Puisse-t-il réussir dans la grande tâche qui lui échoit aujourd’hui.

Paris, le 24 février 1848.

Signé, Louis-Philippe. »
  1. Il y avait, en effet, dans la cour des Tuileries 5,000 hommes d’infanterie, deux escadrons de dragons et 6 pièces de canon chargées à mitraille, sans compter les gardiens armés et les gardes municipaux.