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HISTOIRE

même, dans une heure, il n’y aura plus en France ni roi ni royauté. » Un silence de stupéfaction répond seul à cette apostrophe.

M. de Girardin, apercevant dans un groupe le rédacteur en chef du Constitutionnel, invoque son témoignage.

« Demandez, s’écrie-il avec impatience, demandez à M. Merruau, comment les proclamations du changement de ministère ont été reçues par le peuple. » Le silence continue. Puis la voix du roi se fait entendre. « Que faut-il faire ?

– Abdiquer, sire, répond M. de Girardin avec une hardiesse qui étonne les assistants.

– Abdiquer !

– Oui, sire, et en conférant la régence à madame la duchesse d’Orléans, car M. le duc de Nemours ne serait point accepté.

– Il vaut mieux mourir ici, » s’écrie la reine !

Le roi, comme éveillé en sursaut par ces paroles et par l’accent énergique avec lequel elles sont prononcées, se lève, et, s’adressant au groupe qui l’entoure : « Messieurs, dit-il, ne peut-on pas défendre les Tuileries ?… On m’avait dit qu’on pouvait défendre les Tuileries, » répète-t-il encore, voyant qu’on ne lui répond pas.

« Abdiquez, sire, abdiquez ! » s’écrie le duc de Montpensier d’un ton impérieux.

Louis-Philippe semble se consulter un moment. « Eh bien, puisqu’on le veut, j’abdique, » dit-il enfin.

À ces mots, M. de Girardin s’élance vers la porte, et Louis-Philippe passe dans la chambre voisine, où attendaient madame la duchesse d’Orléans et les princesses. « J’abdique, » dit-il d’une voix forte en ouvrant la porte. La duchesse d’Orléans se jette aux pieds du roi, et, d’une voix étouffée par les sanglots, elle le conjure de ne point abdiquer. Le comte de Paris mêle ses prières enfantines à celles de sa mère ; il embrasse les genoux de son grand-père. Le roi ne montre aucune émotion, et presque aussitôt,