Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
HISTOIRE

la majorité, accomplit une formalité légale, bien plutôt qu’en souverain décidé à vendre chèrement sa vie et son trône, on court avertir les postes les plus voisins que le roi va passer la revue des troupes et qu’il désire leur montrer la garde nationale. De forts détachements des légions se mettent immédiatement en marche. Aussitôt qu’on les voit déboucher par le guichet du Louvre, le roi paraît dans la cour du château ; il monte un cheval richement caparaçonné de franges et de crépines d’or. Les ducs de Nemours et de Montpensier, le maréchal Bugeaud sont à sa droite ; à sa gauche, le général Lamoricière, vêtu d’une capote de garde national qu’il vient d’emprunter à l’état-major, la tête nue, les cheveux en désordre, le regard animé, prend possession de son commandement.

MM. Thiers et de Rémusat suivent à pied. Une nombreuse escorte de gardes nationaux à cheval, d’aides de camp, parmi lesquels on remarque le général Rumigny en habit bourgeois, le général Trézel, M. de Montalivet, etc., forment le cortège.

En passant devant le front des postes intérieurs, Louis-Philippe est salué de cris nombreux auxquels il paraît très-sensible. Marie-Amélie se montre à une fenêtre du rez-de-chaussée ; elle est entourée de madame la duchesse d’Orléans, des princesses et des petits princes. Debout, la contenance fière, l’œil brillant d’espoir, elle remercie du geste tous ceux qui passent devant elle, en criant Vive la reine !

Cependant le roi, en longeant la grille, est arrivé à l’arc de triomphe sous lequel il passe à travers les bottes de paille et les bagages jetés pêle-mêle ; il commence la revue par le côté gauche de la place, où la première légion est rangée en bataille. Là, les cris de Vive le roi ! sont en petit nombre et presque aussitôt étouffés par les cris de Vive la réforme ! Un groupe de gardes nationaux sort des rangs, s’avance vivement vers Louis-Philippe, et le somme, en quelque sorte, d’accorder la réforme. Le roi, visiblement troublé,