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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

vous, général, que je vous adresse quelques questions ? Nous avons été trompés hier, on nous trompe peut-être encore aujourd’hui. Nous avons confiance en votre honneur ; promettez-vous de nous répondre avec sincérité ? »

Le général fait un signe d’assentiment.

La foule écoute.

« Général, est-il vrai, est-il certain que M. Guizot soit renvoyé ?

« Oui, répond le général Bedeau.

« Qui donc est ministre à cette heure ?

« MM. Thiers et Odilon Barrot sont chargés de former un ministère.

« S’il n’existe pas de ministère, qui donc alors vous envoie ici ?

« Le maréchal Bugeaud. »

À ce nom, les clameurs recommencent.

La foule n’écoute plus.

« Vous voyez, général, combien le nom du maréchal Bugeaud irrite le peuple, de grâce renoncez à engager un combat qui serait terrible.

« J’ai des ordres, répond le général ; je suis soldat, je dois obéir ;

« Mais, du moins, général, attendez des ordres nouveaux. Qui sait quel changement a pu se faire aux Tuileries, depuis que vous les avez quittées ? Accordez-moi une heure ; faites-moi accompagner par un officier qui m’introduise auprès du maréchal Bugeaud ; je lui exposerai la situation dans laquelle vous vous trouvez, et je suis certain de vous rapporter l’ordre de ne pas tirer. »

Le général avait vu de trop près l’hésitation et la mobilité des conseils, depuis la veille, pour n’être pas frappé de l’idée d’un changement possible dans les résolutions prises aux Tuileries. Il était, d’ailleurs, comme tous les officiers de l’armée, intimement convaincu que la troupe, sans la garde nationale, ne pouvait rien contre une insurrection, et il venait, sur son chemin, d’acquérir la preuve que le