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HISTOIRE

pes qui lui étaient confiées[1], il suivit la marche tracée par le maréchal et défit, sur son passage, rues Neuve-des-Petits-Champs, Vivienne et Feydau, quelques barricades abandonnées par les insurgés[2]. Mais, arrivé, vers sept heures et demie, sur le boulevard, à la hauteur du Gymnase, le général se trouva en présence d’une barricade beaucoup plus élevée que les autres, construite selon les règles de l’art et fortement gardée. Une multitude agitée se pressait tout autour. À la vue des troupes, une rumeur menaçante s’éleva dans l’air. Alors, du sein de la foule émue, quelques citoyens, s’adressant au général, le supplièrent, au nom de la population inoffensive, de ne point commencer l’attaque. Tout aussi désireux que pouvaient l’être ceux qui lui parlaient, d’éviter une lutte sanglante, le général harangua le groupe le plus rapproché de lui et lui annonça, comme une bonne nouvelle qui devait mettre fin à toute hostilité, le changement de ministère. Mais la défiance était grande dans les esprits[3] et la rumeur ne s’apaisait pas. « Au nom de la population qui nous entoure, dit, en dominant le tumulte, un fabricant du quartier, permettez-

  1. Quatre compagnies des chasseurs d’Orléans ;
    Deuf bataillons du 1er léger ;
    Deux bataillons du 21e de ligne ;
    Un escadron du 8e dragon ;
    Deux pièces de campagne ;
    Des sapeurs du génie ;
    Ensemble environ 2,000 hommes.
  2. Le peloton d’avant-garde reçut le feu des insurgés qui gardaient la barricade construite aux extrémités de la rue Montmartre et du faubourg. Le peloton riposta, la barricade fut enlevée. Deux soldats furent blessés.
  3. Le peuple et même un grand nombre d’officiers de la garde nationale étaient persuades que l’événement du boulevard des Capucines avait été prémédité par le gouvernement ; qu’on avait trompé la population par le faux bruit d’un changement de ministère ; qu’on voulait une Saint-Barthélemy des démocrates, etc. Les gardes nationaux protestaient qu’ils défendraient le peuple contre une si infâme trahison.