sans qu’on sût trop lui répondre, quelles étaient les concessions obtenues, il s’associait au triomphe du pays légal. La troupe rentrait dans les casernes ; la circulation se rétablissait. En peu d’heures l’aspect de Paris avait changé comme par magie. La nuit venue, une illumination spontanée, une immense foule de promeneurs paisibles et satisfaits, répandus sur les boulevards et sur les places publiques, donnaient, à la ville un air de fête qui trompa presque tout le monde.
La garde nationale et l’opposition parlementaire, qui n’avaient voulu que la réforme, bien que la concession fût avarement mesurée et que le nom de M. Molé ne donnât pas à cet égard des garanties bien solides, heureuses d’échapper à une lutte dont elles venaient de voir de près le danger, s’accordaient à ne plus rien prétendre et à se féliciter bruyamment de leur commun triomphe. Mais l’instinct du peuple, plus sûr et plus courageux, après s’être un moment laissé surprendre à la joie générale, le poussait à passer outre. Les chefs d’atelier, les membres influents des sociétés secrètes, quelques journalistes radicaux, encourageaient cette disposition. Ils exhortaient les citoyens à se métier des nouvelles perfidies cachées sous cette feinte condescendance de Louis-Philippe. Qu’était-ce donc, en effet, que M. Molé, pour que le peuple se réjouît de son avènement au pouvoir ? Un courtisan, un homme d’ancienne noblesse. Comment, quand le peuple restait maître du champ de bataille, quand la garde nationale se prononçait pour lui, et quand la troupe de ligne refusait de le combattre, il se contenterait de si peu ! Quand les cadavres des siens gisaient encore sur le pavé des rues, quand des femmes et des enfants criaient vengeance pour leurs maris et leurs pères massacrés par les ordres d’un roi exécrable, il souffrirait que, une fois de plus, au château, on raillât sa crédulité, sa faiblesse ! On mêlait à ces propos excitants des bruits de trahison ; on parlait de pièges tendus. On insinuait que la retraite de M. Guizot