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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Tant que le cabinet actuel sera chargé des affaires, il maintiendra ou rétablira l’ordre et fera respecter les lois selon sa conscience, comme il l’a fait jusqu’à présent. »

À ces mots, les députés du centre s’indignent et murmurent ; les bancs se dégarnissent ; des groupes animés se forment. On entend, au milieu du bruit, des voix qui s’écrient : — « C’est indigne ! c’est une lâcheté ! on nous trahit ! allons chez le roi[1]. » — Les conservateurs se croient abandonnés par le ministère, ils éclatent en reproches. M. Guizot, ne parvenant pas à se faire écouter dans ce tumulte, essaye de faire comprendre par des gestes que ce n’est pas lui qui se retire, mais que c’est le roi qui le destitue. Le président s’efforce de rétablir le silence. « Avant de lever la séance, dit-il, j’ai un mot à dire sur l’ordre du jour. » — « Il s’agit bien de l’ordre du jour ! » s’écrie M. Plougoulm. M. de Salvandy demande que l’ordre du jour soit maintenu. À ce moment, M. Crémieux vient déposer sur le bureau la pétition de la garde nationale et d’un grand nombre de citoyens du quatrième arrondissement. — « Les uns, dit-il, protestent contre la conduite des ministres ; les autres demandent leur mise en accusation… » La voix de M. Crémieux se perd dans la rumeur générale. Le silence ne se rétablit que lorsqu’on voit M. Dupin à la tribune. On sait les relations intimes de M Dupin avec le roi ; on connaît son esprit lucide. On attend de lui une proposition conforme à la dignité parlementaire et à la gravité des circonstances. – « Messieurs, dit l’orateur, le premier besoin de la cité est le rétablissement de l’ordre, la cessation des troubles. L’anarchie est le pire des états, c’est la destruction de la société ; elle menace l’ordre social tout entier. La seule question vraiment à l’ordre du jour est donc le rétablissement de la paix publique, pour assu-

  1. M. Dumon, s’efforçant de calmer l’indignation des conservateurs, allait de l’un à l’autre, les exhortait à la modération en raison des circonstances. « Aujourd’hui soyons tout à l’ordre, disait-il ; demain nous serons tout à la politique. »