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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

ont provoquée. La révolution de 1830 est, à la vérité, présente à leur esprit, mais comme un enseignement, non comme une menace. On se gardera de tomber dans les fautes auxquelles on attribue la chute de Charles X. L’imprévoyance de M. de Polignac a tout perdu, la prévoyance de M. Guizot va tout diriger, tout rétablir.

Instruit presque jour par jour, par ses agents, des complots qui se trament contre Louis-Philippe, le préfet de police, M. Delessert, homme actif, dévoué, intelligent, tient dans ses mains bien des fils et connaît plus d’un secret ; il dispose de la garde municipale et des sergents de ville, deux corps parfaitement organisés[1]. La possibilité d’un soulèvement et les chances de la lutte sont calculées avec précision. Un plan de défense, considéré par les hommes compétents comme un chef-d’œuvre de l’art stratégique, enveloppe Paris d’un réseau de baïonnettes qui, au premier signal, se resserrera et étouffera l’émeute avant même qu’elle ait le temps de se reconnaître.

On doit à l’expérience du maréchal Gérard ce plan habile, adopté en 1840, et connu dans l’armée sous le nom d’ordre du jour du 25 décembre. Par une combinaison très-simple et très-savante tout à la fois, le libre mouvement et la concentration instantanée de forces irrésistibles deviennent aussi faciles dans les quartiers populeux de Paris qu’en rase campagne[2].

Les hésitations du parti dynastique, près d’un mois perdu à délibérer et à négocier, ont, d’ailleurs, laissé au gouvernement le loisir de prendre les dispositions les plus minutieuses. Trente-sept mille hommes, pourvus de vivres et de munitions, armés de pelles, de haches, de pioches, de mar-

  1. Les cadres de la garde municipale, commandée par le colonel Lardenoix, portaient 3,200 hommes, dont 600 de cavalerie. 2,800 seulement ont été engagés dans la lutte des trois jours.
  2. Depuis quelque temps, à mesure que les troupes arrivaient à Paris, on faisait faire aux officiers, habillés en bourgeois, la reconnaissance des différents postes qu’ils devaient occuper en cas d’une bataille des rues.