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HISTOIRE

libérations, et, visiblement troublé, il demanda la parole. Un profond silence se fit aussitôt. Après un résumé succinct de la marche suivie par l’opposition à l’occasion du débat sur le droit de réunion soulevé par l’adresse : « Je suis, quant à moi, convaincu, dit l’orateur d’une voix émue qu’il cherchait à raffermir, que, si la question eût été posée, les tribunaux auraient prononcé en notre faveur, qu’ils auraient déterminé le sens des lois existantes, fait cesser un doute grave, et qu’en même temps les amis sérieux de la liberté dans ce pays auraient eu à constater un immense progrès dans nos mœurs politiques.

Il paraît, je n’ai pas vu les actes de l’autorité, qu’à des conseils de sagesse et de prudence ont succédé d’autres inspirations ; que des actes de l’autorité s’interposent, sous prétexte d’un trouble qu’ils veulent apaiser et qu’ils s’exposent à faire naître. » Ici, malgré une violente interruption et les rumeurs prolongées du centre, M. Barrot exposa les malheurs que l’interdiction du banquet pouvait entraîner à sa suite. « Il n’y a pas de ministère, dit-il, il n’y a pas de système administratif qui vaille une goutte de sang versé. » Puis il conclut en rejetant tout entière sur le cabinet la responsabilité des événements.

M. Duchâtel se hâta de retourner l’argumentation contre M. Barrot et de le rendre responsable, lui et ses amis, des malheurs qu’il annonçait. Le cabinet, assura M. Duchâtel, avait été disposé, il l’était encore la veille, à laisser arriver les choses au point où, une contravention pouvant être constatée, un débat judiciaire aurait pu s’engager. Mais le manifeste du comité rendait la chose impossible ; car ce manifeste était la proclamation d’un gouvernement illégal voulant se placer à côté du gouvernement régulier, parlant aux citoyens, convoquant en son propre nom les gardes nationaux, provoquant des attroupements au mépris des lois. Cela ne pouvait pas être supporté, et le ministre concluait en répétant de nouveau que la manifestation du banquet ne serait pas tolérée.