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HISTOIRE

breux, et, ne cherchant que des expédients dilatoires, ce parti faisait ajourner, quand il ne pouvait faire repousser les résolutions honorables. Ainsi, dès le lendemain du jour où le National avait annoncé le banquet pour le dimanche suivant, on lui faisait imprimer la note que voici « Plusieurs renseignements inexacts ont été publiés par la presse quotidienne sur l’organisation du banquet du douzième arrondissement. Le changement de local, que l’importance de la manifestation a rendu nécessaire, en a seul retardé la réalisation.

Le banquet aura lieu irrévocablement dans les premiers jours de la semaine prochaine.

La commission du douzième arrondissement fera connaître l’heure et le lieu, dès que toutes les dispositions matérielles auront été définitivement arrêtées entre elle, le comité central et les membres des deux Chambres qui se sont engagés à prendre part à cette protestation essentiellement légale et pacifique. »

La vérité est que M. Thiers, qui prévoyait tout, redoutait une trop grande affluence d’ouvriers le dimanche, à cause de la suspension du travail. Il gagnait, d’ailleurs, quarante-huit heures à ce retard ; et, pour cet esprit fertile en combinaisons, gagner un peu de temps, c’était s’ouvrir mille chances nouvelles, mille éventualités favorables. Ignorant jusqu’à quel point la population parisienne était exaspérée, M. Thiers se complaisait dans d’infiniment petites ruses, aussi vaines que puériles. Il ne devinait pas, il avait oublié ce que peut, à certaines heures, l’élan d’une forte passion pour un grand droit.

Le National s’étonnait et disait : « Nous publions cette note telle qu’on nous l’envoie : nous ne déguisons pas qu’elle est fort loin de nous satisfaire. On aurait dû expliquer au moins par quelle suite d’incidents étranges et de malentendus répétés un local, trouvé la veille, échappait le lendemain, parce qu’on négligeait de prendre immédiatement les précautions légales qui devaient rendre inutiles