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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

nifestation dérisoire. MM. Duvergier de Hauranne, de Malleville, Berger, Vitet et de Morny, représentant l’opposition et le parti ministériel, se réunirent dans un des bureaux de la Chambre. Voici, en substance, ce qui fut dit et convenu des deux parts : entre le gouvernement, qui prétend qu’une manifestation pareille est un délit prévu et défini par des lois existantes, et l’opposition, qui soutient que le fait ne tombe sous la juridiction d’aucune loi, il n’est qu’un moyen de décider qui a tort et qui a raison : que l’opposition commette le délit prétendu, que le gouvernement le laisse commettre, les deux partis en appelant ainsi à la décision du tribunal. En conséquence, l’opposition se rendra au lieu indiqué pour le banquet. Elle trouvera sur le seuil un commissaire qui ne l’empêchera pas d’entrer, le gouvernement garantit ce point, car enfin, si le commissaire barrait la porte, il faudrait la forcer, ce qui serait un bien autre délit que celui qu’on se propose de commettre, ou bien il faudrait quitter la place, ce qui serait pis encore, puisqu’il n’y aurait de délit d’aucune espèce. Le commissaire avertira l’opposition qu’elle commet un délit. L’opposition passera outre. Elle en fera tout juste assez pour que le commissaire puisse verbaliser. Alors le commissaire menacera de la force armée. M. Barrot déclarera qu’il ne cède qu’à la force. Il engagera les membres de la réunion à se retirer. En sortant, les députés annonceront à la foule qu’ils ont parfaitement atteint leur but. L’opposition s’engage à ne pas prononcer de discours, à empêcher autant que possible l’intervention irritante des journaux, à ne convoquer aucune réunion d’aucune sorte jusqu’à la décision du tribunal. — Se couvrir de ridicule, tromper le pays, renier des principes soutenus depuis dix-sept ans avec une autorité de paroles, et, en dernier lieu, avec une véhémence de menaces qu’on allait qualifier de fanfaronnades, tel était le résultat certain de cette absurde mise en scène.

Les réunions présidées par M. Barrot, devenaient chaque jour plus confuses. Le parti de la prudence y était le plus nom-