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HISTOIRE

temps patiente, a voulu protester enfin contre les scandales de la corruption, contre l’immolation de l’intérêt national à un intérêt de famille, contre l’abandon de ses alliances naturelles. « En dehors de la royauté, de la Chambre des pairs et de la Chambre des députés, dit l’orateur, il existe, dans les cas extrêmes, un juge, un arbitre souverain qui est le pays, et voilà ce que vous accusez, ce que vous menacez sans loi, ou, du moins, avec des lois équivoques. Vous voulez mettre la main de la police sur la bouche du pays. »

Un immense applaudissement interrompt cette parole si frappante dans son image hardie. « Supposez, continue M. de Lamartine après quelques minutes d’une agitation qui couvre sa voix, supposez qu’une partie de vos collègues persiste à penser que la loi qu’on leur impose est une loi dérisoire et qu’ils persistent glorieusement à défendre leurs droits… — Nous persisterons, s’écrie-t-on avec entraînement. — Souvenez-vous du Jeu de Paume. — Allons donc ! murmurent dédaigneusement les centres. « Le Jeu de Paume, messieurs, reprend l’orateur avec un calme qui ajoute encore à l’effet de ses paroles et en accentuant fortement la voix, c’est un lieu de réunion fermé par l’autorité, rouvert par la nation. »

La Chambre est profondément remuée ; l’anxiété se lit sur tous les visages. Le nombre des votants est de 413. Une première épreuve reste douteuse. Au banc des ministres, on n’est pas sans crainte. Enfin, au scrutin de division, une majorité de 228 voix contre 185 maintient les paroles fatales. Le cabinet triomphe ; il n’a plus rien à redouter en effet : plus rien que la conscience du pays, la justice du peuple et la condamnation de l’histoire.

Le lendemain 12, M. Sallandrouze, riche fabricant appartenant à la fraction des conservateurs progressistes, apporte à la tribune le vœu d’une réforme parlementaire. C’était bien peu demander après des débats aussi orageux et de si vives attaques ; mais c’était trop encore pour l’orgueil