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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

loi, mais tous les précédents administratifs lui donnent raison » et le ministre conclut en justifiant complètement les expressions de l’adresse. « On ne pouvait pas, dit-il, passer sous silence un fait aussi considérable ; on pouvait moins encore ne pas signaler au pays comme hostiles les vœux antimonarchiques et antisociaux exprimés dans plusieurs banquets, ne pas qualifier d’entraînement aveugle la conduite de certains amis du gouvernement qui, non contents de s’asseoir à côté de ses ennemis déclarés, consentent encore, par une inexcusable faiblesse, à supprimer le toast au roi. »

À ce discours, fréquemment interrompu par les murmures de la gauche, M. Odilon Barrot répond en revendiquant le droit de réunion comme un droit essentiel à l’usage de toutes les libertés, et que la Restauration même, si défiante et si portée aux mesures de rigueur, n’a pas osé attaquer.

M. Boissel vient ensuite réclamer contre l’injure faite au douzième arrondissement en lui interdisant ce qu’on a permis dans toute la France. Le garde des sceaux explique cette apparente inconséquence du ministère. Il dit que les lois politiques doivent être appliquées avec ménagement, que pour être utiles les lois répressives doivent être appelées par l’opinion. Il établit, par des citations empruntées aux toasts des derniers banquets, qu’on a abusé de la tolérance du gouvernement, et finit en déclarant que cette tolérance ne peut plus se prolonger sans péril. Il espère d’ailleurs que l’opposition ne donnera pas suite à ce défi imprudent ; mais si, contrairement à cette espérance, elle persévère, le gouvernement fera son devoir. Ces dernières paroles sont le signal d’un tumulte. Des huées, des rires accueillent le ministre, qui descend de la tribune et retourne à sa place en jetant à la gauche un regard irrité.

Les députés du centre, intimidés par le tour violent qu’ont pris les débats, peu confiants dans leur droit et blâmant au fond les expressions de l’adresse qu’ils sont obli-