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HISTOIRE

des commissaires chargés d’une proposition de transaction. Ils offraient de faire rejeter un amendement de M. Sallandrouze, qui eût entraîné la chute du cabinet, si l’on consentait à accepter un sous-amendement dont la forme bienveillante impliquerait néanmoins, pour le pouvoir, l’engagement d’une réforme parlementaire. À leur grande confusion, les émissaires progressistes furent congédiés par un refus catégorique. Au point où en étaient venues les choses, répondirent d’un commun accord MM. Guizot et Duchâtel, il n’y avait plus de transaction possible. Plus tard, après la session, on verrait, on s’occuperait de chercher une combinaison propre à tout concilier. Sur ces paroles ironiques, le comité progressiste se sépara, et personne ne mit en doute, tant l’opinion s’était peu abusée sur les secrets mobiles de son opposition, qu’il dût voter avec le ministère.

La discussion, ouverte le 7 février, vint mettre en lumière la mauvaise foi politique de M. Guizot ; car ses adversaires tirèrent un de leurs meilleurs arguments des paroles qu’il avait prononcées en 1840. « Les citoyens ont le droit, avait dit alors M. Guizot, de se réunir pour causer entre eux des affaires publiques, et il est bon qu’ils le fassent. Jamais je n’essayerai d’atténuer les sentiments généreux qui poussent les citoyens à se réunir, à se communiquer leurs sympathiques opinions. » Et aujourd’hui, après avoir implicitement reconnu ce droit pendant les six mois qui venaient de s’écouler, après avoir souffert dans les départements, en l’absence des Chambres, des manifestations violentes, on prétendait supprimer tout d’un coup une réunion légale, présidée par un député, à laquelle devaient assister les personnes les plus notables du pays.

M. Duvergier de Hauranne n’eut pas de peine à rendre saisissante l’énormité d’une semblable prétention. Instigateur principal des banquets, il en avait fait un point d’honneur personnel ; son discours le marquait assez. Un orateur du parti radical n’aurait pas été plus implacable et n’aurait certes pas porté de pareils coups ; les amitiés infi-