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CHAPITRE VI

Suite et fin de la discussion de l’adresse.


Tous les esprits étaient tendus vers cette lutte suprême. Il s’agissait d’un grand principe à maintenir, d’un droit sacre à défendre ; mais, on ne l’ignorait pas, de ce devoir courageusement accompli pouvait naître inopinément un péril pour la monarchie, car, derrière l’opposition légale et parlementaire, on sentait quelque chose de redoutable s’agiter. Par delà le bruit qui se faisait à la tribune, on entendait un silence plein de menaces. Le pavé des rues était brûlant, le travail taciturne ; les entretiens étaient mystérieux, les visages sombres. Les souvenirs de nos révolutions, si longtemps effacés, reparaissaient dans leur sinistre éclat ; une ombre importune s’asseyait à toutes les tables. On pensait involontairement qu’il y avait dans Paris un peuple fort, spontané, capricieux, qui prenait son temps et ses heures pour visiter les Tuileries et pour coiffer ses rois du bonnet rouge.

Les banquets réformistes, radicaux et même communistes, s’étaient continués dans les départements, malgré la consigne de l’opposition dynastique, qui les avait déclarés sans objet du moment que la session était ouverte. Le ministère fermait les yeux sur ces agitations lointaines, accoutumé qu’on est à Paris à tenir peu de compte des opinions de la province. Mais l’annonce d’un banquet dans