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HISTOIRE

répond avec une animation singulière, et rectifie l’erreur où est tombé M. Lherbette en avançant que la présence du roi au conseil est contraire aux usages de l’Angleterre ; puis, repoussant dans un beau mouvement d’éloquence, l’idée honteuse, indigne de notre temps, que l’on ne saurait approcher des princes sans se soumettre à leurs caprices, il fait avec passion, avec vigueur, avec éclat, une profession de foi monarchique que la grande majorité de la Chambre et des tribunes est entraînée à applaudir. Le soir même, les ducs de Nemours et de Montpensier venaient exprimer au ministre leur gratitude. On est si sensible en France au prestige de la parole, qu’il semble, à la suite de ce beau morceau d’éloquence, que la dynastie vient d’acquérir une force nouvelle.

Après un long discours du maréchal Bugeaud sur la nécessité de conserver en Algérie des forces imposantes et sur le danger d’y développer prématurément des institutions civiles, M. Guizot est interpellé par M. de la Rochejacquelein sur la conduite qu’il compte tenir relativement à Abd-el-Kader.

Le ministère avait compté sur la nouvelle de la soumission de l’émir pour éblouir la Chambre, et déconcerter l’opposition. Mais il s’abusait encore. Cet événement, si longtemps espéré en vain, et qui, en d’autres circonstances, eût excité des transports de joie, ne détourna pas l’attention publique des scandales de l’administration ; il ne fit pas taire un murmure, et suscita même au gouvernement de graves embarras.

C’était le 1er janvier, le jour des félicitations et des vœux, que le télégraphe avait annoncé cette heureuse issue de la campagne conduite par le général Lamoricière. Cette preuve, ajoutée à tant d’autres, de l’étonnante fortune du roi, et l’éclat que ce succès faisait rejaillir sur l’un de ses fils furent salués par les courtisans comme le présage d’autres victoires, non moins souhaitables, sur les ennemis intérieurs ; mais bientôt, le rapport du duc d’Aumale et celui