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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

chiffre de la dette flottante dépasse de plus de deux cents millions celui que les plus alarmistes avaient osé supposer, et M. Thiers démontre qu’il est absolument impossible d’enrayer sur cette pente fatale. Il résume en ces termes la situation : « Un budget ordinaire en déficit soldé tous les ans avec les réserves de l’amortissement qui devaient suffire au budget extraordinaire ; un budget extraordinaire soldé avec des réserves futures et en attendant avec la dette flottante ; enfin la dette flottante que vous diminuez de temps en temps par un emprunt resté au-dessus des limites raisonnables, au-dessus des limites de la prudence. »

La Chambre, qui prête toujours une attention scrupuleuse aux paroles de M. Thiers, paraît frappée de ce tableau. L’inquiétude sur l’état des finances est la seule émotion dont la majorité soit encore susceptible. Elle se rencontre un instant sur ce point avec la minorité dans un sentiment de défiance pour le cabinet ; elle écoute avec incrédulité MM. Dumon et Duchâtel. Ceux-ci d’ailleurs, aux accusations de M. Thiers, ne peuvent opposer qu’un vague tableau des prospérités du pays, et ne persuadent personne. Les coups de M. Thiers ont porté juste. Les attaques d’un homme qui connaît les affaires pour les avoir longtemps pratiquées jettent l’alarme dans tous les partis et blessent par le côté le plus vulnérable le cabinet conservateur. À quelques jours de là, on peut s’apercevoir aussi que le vote de la majorité n’est plus suffisant pour absoudre le ministère et que la pression de l’opinion publique s’exerce avec plus de force, car elle oblige les députés à revenir encore sur cette honteuse affaire Petit, que M. Guizot et ses adhérents voudraient à tout prix étouffer. À propos du quatrième paragraphe de l’adresse, qui promet au roi le concours des Chambres pour adoucir le sort de ceux dont le travail est l’unique ressource, M. de Tocqueville, après un long tableau de la dégradation des mœurs publiques et privées, accuse de cette dégradation le gouvernement, et en particulier M. Guizot, qui a perdu, dit-il, depuis la révélation des trafics