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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

pour ne pas abandonner une cause qui paraissait vaincue. Les vieux souhaitaient de finir en paix une carrière agitée ; les jeunes hésitaient à compromettre irréparablement un long avenir. Tous auraient voulu épargner au pays les malheurs d’une guerre intestine.

C’est de l’autre côté de la Chambre que siégent, bien que moins suspects au pouvoir, les ennemis véritables de la dynastie d’Orléans. C’est là qu’on voit l’abbé de Genoude, sophiste audacieux, d’une persévérance que rien ne détourne ni ne lasse ; M. de Falloux, ambitieux circonspect, attentif à l’événement, tout prêt à jeter ses idées royalistes dans la forme républicaine et à accommoder ses convictions catholiques aux exigences universitaires ; près de lui, l’héritier d’un nom chevaleresque, la Rochejacquelein, qui, sous l’apparence d’une bonhomie rustique, cache des finesses de courtisan et des habiletés de diplomate ; Benoît, Larcy, Béchard ; et, les effaçant tous de l’éclat de sa renommée, le grand virtuose de la légitimité, l’orateur aux larges poumons, à la parole sonore, au geste éloquent : Berryer.

À leurs côtés, mais non avec eux, Lamartine, calme et froid, reconnaît avec une indifférence apparente les dispositions du champ de bataille, préparé dans son for intérieur à jeter, au moment décisif, sa voix et sa vie dans la mêlée. Non loin de lui, mais seul aussi, dédaigneux, impassible, siége un homme dont le silence semble une menace et l’attitude un reproche : M. de Girardin.

Entre les deux extrémités de la Chambre, se groupent, autour de la masse des conservateurs, les fractions dissidentes : M. Duvergier de Hauranne, M. de Rémusat, le plus nonchalant, le plus sceptique, mais le plus bel esprit de France ; MM. Janvier, de Malleville, Billault, Dufaure, le seul orateur de la Chambre, peut-être, chez qui la solidité de l’argumentation, la précision des faits et la sobriété des développements soient parvenues à une perfection si rare qu’elle égale les dons les plus brillants de l’éloquence ; MM. de Tocqueville, Beaumont, Vivien ; M. Dupin, le rude