luttes parlementaires, M. Ledru-Rollin n’avait pas varié dans son langage. La nature semblait l’avoir préparé au rôle de chef populaire. Sa haute et forte stature, sa belle prestance, son œil noir et vif, son sourire aimable, toute une apparence robuste de jeunesse qui contrastait avec la contenance fatiguée des vétérans du radicalisme, le désignaient aux sympathies du peuple. Sa parole chaleureuse, parfois éloquente, était l’expression naturelle d’un tempérament révolutionnaire, plus encore peut-être que celle d’un caractère républicain. Ses ennemis voyaient alors, et ils ont vu longtemps en lui un terroriste. Ses amis l’accusaient plutôt de quelque mollesse. À leurs yeux, M. Ledru-Rollin était un homme de mœurs faciles et d’humeur nonchalante, aimant le bien-être, le luxe même, depuis qu’un mariage riche l’avait mis à sa portée, et un peu plus qu’il ne convient aux représentants de la démocratie. Ils reconnaissaient en lui un esprit capable d’activité, mais par intermittence, un cœur généreux, mais par élans, et ils déploraient des habitudes de laisser-aller et de désordres, dont sa réputation eut plus d’une fois à souffrir. Nous n’avons pas ici à juger ses actes. En ce moment, il ne faisait encore que des discours ; mais ces discours poussaient en quelque sorte les événements et hâtaient la catastrophe.
À ses côtés, au banquet de Dijon, on vit paraître un homme de toute petite taille et d’aspect enfantin, toujours riant et montrant ses belles dents blanches, toujours parlant et gesticulant, toujours promenant sur l’auditoire de grands yeux noirs brillants de hardiesse et d’esprit. C’était un jeune écrivain d’origine corse, déjà célèbre, c’était Louis Blanc, qui cherchait depuis longtemps, pour ses
entrer dans la réalité de la vie, le grand symbole de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, sans se laisser annuler par les vieillis ou les corrompus, oh ! oui, nous tous qui sommes ici, nous sommes des ultra-radicaux. Les mots n’effrayent que les enfants. D’autres ont glorifié le nom de gueux en le conduisant à la victoire ; peu nous importe celui qui nous y conduira. Et, comme les vengeurs de la liberté batave, d’un outrage faisons un drapeau. »