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DANTE ET GŒTHE.

génies, les deux hommes les plus opposés qui furent jamais.

DIOTIME.

Je ne les vois point opposés ; tout au contraire.

ÉLIE.

Point opposés, bon Dieu ! L’Italien du XIIIe siècle et le Germain du XIXe ! Le poëte catholique, qui chante en sa Divine Comédie l’orthodoxie de saint Thomas et les catégories d’Aristote, et ce païen panthéiste, qui cache sous la robe et le nom du réprouvé docteur Faust les témérités de Spinosa et le système suspect de Geoffroy Saint-Hilaire ! Point opposés !

DIOTIME.

Ne vous arrêtez pas en si beau chemin ; continuez. Quelle comparaison, n’est-ce pas, entre le belliqueux enfant de la cité de Mars, entre le noble fils du croisé toscan Cacciaguida, et le petit bourgeois d’une ville marchande, dont le bisaïeul ferrait les chevaux, dont l’aïeul tenait une auberge !

ÉLIE.

Ajoutons, puisque vous le souffrez, quel rapport entre le citoyen héroïque que l’ardeur de ses passions jette aux guerres civiles, et qui, proscrit, dépouillé, meurt bien avant l’âge, tout chargé de calamités, tout ému de haine et d’amour pour son ingrate patrie ; entre