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DANTE ET GŒTHE.

Que dites-vous de ces fêtes dont il nous fit la description avec tant de complaisance ? Que vous semble de ces belles dames, de ces galants cavaliers vêtus de blanc et couronnés de fleurs, qui se réunissaient deux mois durant sous la présidence d’un Seigneur d’amour, qui dansaient, chantaient, rimaient, riaient sans fin ; s’en allaient cavalcadant par la ville, au son des instruments de musique ; tenaient soir et matin table ouverte où venaient, des deux bouts de l’Italie, des baladins, des jongleurs, des gentilshommes, allègres et plaisants à voir ?

DIOTIME.

C’était le temps des contrastes. Malgré la fureur des guerres civiles, ou plutôt à cause de ces fureurs, qui faisaient la vie si précaire, on avait hâte de jouir. Chateaubriand a dit sur la Révolution française un mot qui m’a frappée, et qu’on pourrait appliquer à presque tous les moments tragiques de l’histoire : « En ce temps-là, il y avait beaucoup de vie, parce qu’il y avait beaucoup de mort. »

Disons aussi, à l’honneur du peuple florentin, qu’il avait le goût inné des élégances, et que, tout en chassant des conseils de la république une aristocratie oppressive et insolente, tout en fondant une démocratie dont le travail était la loi, il avait su y garder les grâces patriciennes, l’amour du beau parler, des belles manières, l’instinct des plaisirs délicats. Florence, où le commerce amenait la richesse et qui, dès cette époque,