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mal contenter sur li ; de ce que, tantôt son message fait, elle n’étoit retournée. La dame n’osoit, qui sentoit son mari cruel, là où il prenoit la chose à déplaisance. »

Comme le dit le chroniqueur. Agnès n’était pas coupable des torts de son frère. Si ses craintes, si la colère du comte contre elle étaient sérieuses, elles prouvent dans quel état malheureux ils vivaient. Si elles étaient exagérées, elles devenaient un pré- texte que sut exploiter l’antipathie des deux époux. La politi- que jeta son voile complaisant sur des motifs qu’on n’osait avouer. Ces faits se passaient en l’an du Christ 1369. Déjà, depuis vingt ans, Agnès avait donné sa main à Gaston Phébus : elle était jeune encore, et cependant ses beaux jours étaient bien loin. Sa vie allait encore s’assombrir.

Gaston, son fils chéri, sa joie, son bonheur, son seul et der- nier avenir, comptait alors seize printemps. Par un traité po- litique, il était déjà marié. Sa femme, la jeune fille du comte d’Armagnac, était un modèle de grâces et de beauté. Lui-même était bel écuyer et ressemblait en tout à son père, ditFroissart. Pour ces deux fiancés l’aurore semblait se lever riante et pleine de douce espérance. Le jeune comte aimait tendrement sa mère. Las de son absence, il voulut la visiter : son père lui permit d’aller en Navarre ; il passa près d’Agnès quelques jours de bon- heur qui ne devaient plus revenir. Il insistait près d’elle pour la décider à rentrer dans le château conjugal. Mais il parlait d’a- près son seul désir, et il fut forcé d’avouer qu’il n’était pas chargé de cette négociation. La dame de Foix, soit par amour- propre, soit par crainte réelle ou simulée, refusa de le suivre : il dut partir seul, et le cœur navré, peut-être plein de tristes pressentiments, il eut le malheur d’aller rendre ses devoirs à son oncle. Charles le Mauvais lui fit pendant dix jours un brillant accueil.

« Mais, dit Froissart (1), quand ce vint sur le point que l’en- fès dut partir, le roi le trait à part à sa chambre secrètement et lui donne une moult belle boursette pleine de poudre, de telle condition qu’il n’étoit chose vivante qui, si de la poudre touchoit ou manjeoit, que tantost ne li convenist mourir sans nul remède. » — « Gaston, dit le roi, beau neveu, vous ferez

(4) Liv. III, ch.’13.