Page:Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Navarre, entretenait et exploitait leurs dissensions domestiques. Une occasion fatale lui fut offerte de faire peser sur sa malheureuse sœur son infernal génie. Il ne la manqua pas.

Le sire d’Albret était prisonnier du comte de Foix, Le roi de Navarre offrit de se rendre sa caution jusqu’à concurrence de 50, 000 francs. Gaston refusa de s’en rapporter à sa parole. Agnès s’indigna contre son mari, parce qu’il se défiait de son frère qu’elle ne connaissait pas encore assez. « — D’ailleurs, — lui disait-elle, — vous savez que vous me devez affirmer pour mon douaire cinquante mille francs, et eux mettre en la main de monseigneur mon frère : si ne pouvez être mal payé[1]. » — Gaston se rendit à cette raison, en ajoutant : — « Puisque vous m’en priez, je le ferai, non pas pour l’amour de vous, mais pour l’amour de mon fils. » Cette réponse amère allait porter ses fruits. Le sire d’Albret, mis en liberté, donna 50, 000 francs au roi de Navarre, qui les garda pour lui.

« Lors, — ajoute Froissart, — dit le comte à sa femme, il vous faut aller en Navarre devers votre frère le roi, et lui dites que je me tiens mal content de lui, quand il ne mémoire ce qu’il a reçu du mien. — La dame répondit que elle iroit volontiers et s’en départit du comte avec son arroi, et s’en vint à Pampelune, devers son frère, qui la reçut liément. La dame fit son message bien et à point. Quand le roy l’ot entendue, si répondit et dit : Ma belle sœur, l’argent est votre ; car le comte de Foix vous en doit douer, ne jamais le royaume de Navarre ne partira, puisque j’en suis au-dessus. — Ha ! monseigneur, vous mettez trop grand haine par celle voie entre monseigneur et nous ; et si vous tenez votre propos, je n’oserai retourner en la comté de Foix, car monseigneur m’occiroit et diroit que je l’aroie déçu. — Je ne sais, dit le roi, qui ne vouloit pas remettre l’argent arrière, que vous ferez, si vous demeurerez ou retournerez ; mais je suis chef de cet argent, à moy en appartient, pour vous le garde, mais jamais ne partira de Navarre ! »

La comtesse de Foix ne put en avoir autre chose. « Si se tint en Navarre et n’osoit retourner. Le comte de Foix, qui veoit la malice du roi de Navarre, commença sa femme grandement à enhaïr et à être mal content d’elle. Jà n’y eut elle coulpe et à

  1. Froissart, liv. III, ch. 13.