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XXXIV

Macbault finit par courber la tête devant une destinée qu’il avait dû prévoir. Il ne mourut pas de chagrin, mais il quitta la cour. Pourvu depuis longtemps des revenus d’une prébende dépendant du chapitre de Reims, il se retira dans son canoni- cat et fut assez sage pour donner aux muses le reste de son existence. Agnès continua d’être l’âme de ses inspirations. Il acheva, retoucha son poëme du Voir Dit. Il dut lui faire subir de nombreuses modifications, des suppressions regrettables. On en fit plusieurs copies qu’il offrit aux princes lettrés de son temps. Peut-être était-ce une consolation pour lui, un hommage à celle qu’il ne cessa jamais de chanter et d’aimer.

Pendant qu’il se donnait pour le type de l’amant fidèle, Gas- ton Phébus vivait en mari volage ; il ne tarda pas à trahir Agnès. Une seule affection ne pouvait suffire à son cœur ardent. Jeune, brave, puissant, il n’eut pas de peine à se faire aimer. Il fut inconstant dans son inconstance, et plus d’une fois il abandonna celles qui s’étaient faites complices de ses infidéli- tés. Il eut plusieurs enfants naturels, qu’il élevait chez lui comme les siens et sous les yeux d’Agnès, dont il insultait ainsi la juste douleur.

D’autres infortunes devaient encore la frapper. Peu de temps après son mariage, le 6 octobre 1349, elle perdait sa mère. Charles le Mauvais, son frère, ne tarda pas à déshonorer par ses perfidies et ses crimes le trône de Thibault.

Les consolations de la maternité restaient encore à la mal- heureuse comtesse : son mariage avait été fécond. Dieu lui donna plusieurs enfants, mais un seul fils lui restait. Brave, spirituel, bien fait, digne héritier de ses pères, il donnait à sa mère bonheur et consolation, il promettait à sa vieillesse des jours de félicité. On le nommait Gaston.

Mais l’amabilité du jeune comte ne pouvait, compenser les torts de son père, et l’intérieur d’Agnès ne pouvait être heureux. Le public savait ses peines, et les chroniques en ont conservé le souvenir : « Voir est, — dit Froissart (1), — que le comte de Foixet madame de Foix, sa femme, ne sont pas bien d’accord ni n’ont été trop grand temps a… » Charles le Mauvais, roi

(1) Liv. ni, ch. 4 3.