Page:Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

XIX

Quelquefois elle tressait un chaperon de fleurettes qu’elle lui posait sur la tête, en lui disant :

Ami très-dous}

Dites moy, à quoy pensez-vous ?

Aux soupirs éloquents et discrets dé Guillaume, elle répon- dait malicieusement :

Doulz amis., dont viennent cils plains ? Par ma foi ! je vous gariroie Tout maintenant3 si je savoie !

Puis, certaine du respect du poète, elle ajoutait avec un feint dépit :

Onques couars n’ot belle amie.

Le pauvre Guillaume en perdait le sens. Que voulait-elle ? N’était-ce pas une illusion ? Que répondre ? que faire ? Lui, l’amant heureux d’une fille de France ! lui, — pauvre clerc de cour, humble gentilhomme de Brie ! Il n’avait pas tête grise pour rien. Cette fois, elle fut —de bon conseil : afin d’éviter le péril, il prit bravement la fuite., il se hâta d’accomplir son pè- lerinage. De retour auprès de Jean de France, encore duc de Normandie, il rentra dans les bureaux de la chancellerie et le calme de la vie positive. La raison avait eu le dessus ; mais, hélas ! l’amour eut bientôt sa revanche. Machault reçut avis d’un nouveau rendez-vous. Ce fut à Saint-Denis en France qu’ils se rencontrèrent. Agnès y vint avec une de ses sœurs ; elle en avait quatre, et le Voir DU ne nous donne pas son nom. Elle fut aussi suivie d’une jeune parente. Machault, naturelle- ment, l’avait précédée et attendait sa dame. C’était alors la cé- lèbre foire du Lendit. Marchands, acheteurs et pèlerins encom- braient la ville ; il fut impossible de trouver un hôtel conve- nable pour les quatre voyageurs. Enfin, on parvint à se procu- rer une chambre ; elle n’avait que deux lits. Grand fut l’embar- ras. Les voyageurs s’installent de leur mieux dans l’asile obtenu par la faveur du ciel. Le jour finissait, et bientôt il fallut songer