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cation d’un rondeau [1] ; elle cherche un confident sincère et bienveillant pour ses essais poétiques. La poésie est pour elle un amusement ; elle écrit comme elle chante, pour embellir la vie et charmer ses loisirs.

Il n’existe pas de recueil des œuvres d’Agnès ; Machault les a réunies et mêlées avec les siennes, soit parce qu’il en fit la musique, soit parce qu’il y fit des corrections, soit enfin parce qu’elles jouent un rôle important dans l’histoire de ses amours. Sans doute elles furent assez nombreuses, et nous en avons fait la collection aussi complète que possible. Les unes appartiennent à la jeune princesse d’une manière incontestable ; elles sont désignées clairement dans les œuvres de Machault. Il en est quelques autres sur lesquelles les droits d’Agnès sont peut-être plus vagues. Peut-être les lui donner est-il une erreur ; mais serait-ce un grand tort d’avoir ajouté quelques fleurons à la couronne d’une fille de nos rois, spirituelle par la grâce de Dieu, poète par droit de naissance ? Machault nous révèle la variété de son talent : elle écrivait lais et rondeaux [2], virelais, chansons et ballades [3]. Nous avons dit qu’elle s’exerçait à faire des chansons à deux récitatifs sur celles de Machault ; souvent son travail obtenait l’assentiment du maître. « Les deux choses que vous m’avez envoiées, lui dit-il, sont très-bien faites à mon gré ; mais si je estoie un jour avec vous, je vous diroie et apenroie ce que je n’apris en pus à créature, parquoy vous les feriez mieulz [4]. » Un jour lui suffirait ! La jeune muse avait donc peu de choses à apprendre. Aussi voyons-nous Guillaume s’intéresser à son élève. Sans doute dans cet intérêt il y a la part du cœur ; mais enfin, si Machault est épris de la femme, le maître s’attache au disciple ; il lui donnera d’affectueux avis, il lui révélera les secrets de l’art poétique, ses règles encore naissantes, ses ressources inconnues aux profanes ; en un mot,

  1. Je vous envoie ce rondel ; et s’il y aucune chose à faire, je vous pri que vous le me mandez. » (P.’135.)
  2. Par ma foy, vous m’avez envoie vin trop bon rondelet, et qui trop bien me plaist. » (Lettre de Machault à Agnès, p. 137.)
  3. « Ma douce amour, je vous remercie, de vos dignes et précieuses reliques, de votre fermail, de vos patemostres et de votre belle ballade. » (Lettre de G. de Machault, p. 148.)
  4. Lettre du même, p. 139.