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toutes les jeunes dames, elle aimait la musique nouvelle, et comme princesse aimable, jeune et belle, elle demandait la fleur des compositions de Guillaume. Sa voix cependant n’avait peut-être pas une grande étendue ; sans doute elle la devait plus à la nature qu’à ce travail ardent et continu que la nécessité seule sait imposer. Machault lui écrivait [1] : « Je vous envoie aussi une balade, si vous pri que vous en apprenez le chant, quar il n’est pas fort, et si me plaist très bien la musique. » Ces derniers mots expliquent les premiers, et il est évident qu’ici un chant qui n’est pas fort, signifie musique simple et peut-être sans notes élevées. D’autres fois cependant Guillaume lui envoie des compositions d’une exécution plus difficile. Agnès l’avait prié de faire le chant d’une ballade qui lui plaisait, il obéit. a Et par Dieu ! — lui écrivait-il, — long tems ha que je ne fis si bonne chose à mon gré. Si vous suppli que vous le daigniez oyr et savoir la chose ainsi comme elle est faite, sans mettre ne oster… et qui la porroit mettre sur les orgues, sur cornemuse ou autres instruments, c’est sa droite nature [2]. » Ces recommandations ne prouveraient-elles pas que la jeune princesse tentait parfois des modifications à la musique du maître ? Peut-être pouvait-elle faire des transpositions et même diriger l’exécution d’une partition. Une de ses lettres nous la montre initiée au maniement des notes, aux règles de l’harmonie, aux doctes principes des accords, science alors nouvelle et mystérieuse et dont Machault jetait les bases. Elle lui écrit : « Et vous prie que le plus tost que vous porrés, vous veuilliez faire le chant des chansons que vous m’avez envoiées et par espécial : L’œil qui est le droit archiers, et de : Plus belle que li biaus jours, et sur l’autre chanson baladée je en fait une autre : et s’il vous semble qu’elles se puissent chanter ensemble, si les ay faites, je n’en ai encore fait qu’une couple : car les vostres sont si bonnes qu’elles m’esbahissent toutes [3]. » Quoi qu’il en soit, le chant était pour Agnès une passion, et les morceaux de longue ha- leine ne l’effrayaient pas. Les lais étaient des pièces de vers qui comptaient parfois plus de deux cents rimes. Machault en

  1. Œuvres de G. de Machault, p. 136.
  2. Même ouv., p. 14O.
  3. — p. 138.