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comprenait les allusions que les auteurs du temps y faisaient sans cesse. Dans sa correspondance on voit, il est vrai, qu’elle écrivait peu. Ses lettres, les plus intimes, étaient souvent dues à la main d’un secrétaire [1]. C’était l’usage du siècle, rois et seigneurs maniaient mieux l’épée que la plume et dictaient leurs ordres à des moines, à des clercs gagés ou d’occasion. Les dames n’étaient pas tenues d’en faire plus. Cependant Agnès savait écrire [2], seulement elle n’en abusait pas. Un poète peut-il d’ailleurs composer sans jeter sur le papier ou le vélin ses idées naissantes, les rimes incertaines ? et Agnès était une aimable sœur de la confrérie du gai savoir.

Elle dut sans doute ses premières inspirations à son goût pour la musique ; elle la cultivait avec succès et passion. « C’est le plus grand esbatement que je aie, — disait-elle dans une de ses lettres, — que de oyr et chanter bons dis et bonnes chansons,’si je le savoie bien faire. » Sans avoir dans son mérite une confiance présomptueuse, elle demandait à Machault des leçons de chant, et dans la même lettre elle ajoutait : « Quant il plaira à Dieu que je vous veoie, s’il vous plaist, vous les m’apenrez à mieulx faire et dire [3]. » Dans d’autres épîtres elle lui envoie de ses poésies à mettre en musique [4] ; elle lui raconte comment elle s’empresse d’apprendre les chansons qu’il lui adresse [5], et pour le remercier de ses communications et lui prouver l’in- térêt qu’elles lui inspirent, elle lui dit : « Je ne preng confort et esbatement fors en les veoir et en les lire et y prenz si grant plaisance, que je en laisse souvent autres besongnes. Si vous pri, mon trèz’doulz cuer, qu’il vous plaise de les moi envoier notées, et vous pri que vous les m’envoies avant que vous ne les montriés à nul autre. Car, par ma foi, tant comme j’aie des vostres je ne quiers nulles autres apprendre [6]. » Ainsi, comme

  1. Ma suer vint à moy quant je faisoie escrire ces lettres (Œuvres de G. de Machault, p. 147). Et si les lettres sont mal escriptes, si le me pardonnés, car je ne trouve mie notaire toujours à ma volenté (même ouv., p. 152). — À la suite de notre édition des Œuvres de G. de Machault est la correspondance d’Agnès et du poëte.
  2. Je n’escris mie autant que vous faites (même ouv., p. 146).
  3. Lettre d’Agnès (même ouv., p. 4 37).
  4. Même ouv., p. 136.
  5. — p. 136.
  6. — p. 138.