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bons trouvères ; à eux, part à l’honneur, comme ils eurent au combat part large et glorieuse, ce qui leur manqua, ce fut une cour, une capitale princière, un centre d’action. Entre eux et la Champagne était la riche province du Vermandois ; de ses comtes descendaient les nôtres. Laon, Soissons, Saint-Quentin, l’antique Vermand, ne font qu’un dans notre histoire avec Reims, Mézières et Châlons ; même destinée, mêmes malheurs, mêmes jours de bonheur et de gloire. C’est dans ce centre que s’élevait le siège archiépiscopal de Reims, celui de saint Remy, celui du sacre, alors occupé par des princes et la fleur de la noblesse ; c’était encore une capitale, une capitale religieuse, une métropole d’intelligence et de foi. Amiens, Beauvais, Saint-Quentin, Boulogne même en relevaient. Au midi de la Champagne était Sens, ville aujourd’hui modeste, alors impor- tante, siège d’un archevêché gouvernant Sens et Paris ; là, nou- velle cour ; là, nouveau foyer d’action. Telle était alors notre province, telles étaient les causes du vif éclat dont elle brilla pendant deux siècles. Nous avons dit sa puissance, passons à ses enfants ; voyons leurs œuvres. Les prosateurs français, les premiers en date, sont champenois. Geoffroy de Villehardouin, ce profond historien des croisades ; le sire de Joinville, ce père de naïfs et curieux mémoires ; l’auteur inconnu de la Chronique de Reims, ce recueil d’anecdotes pleines d’intérêt et de, traditions nationales, n’étaient-ils pas nos compatriotes !

La Normandie, la Picardie, la Flandre réunies n’ont rien à mettre à côté de ces trésors littéraires ; elles nommeront des poètes galants, des conteurs ingénieux, de joyeux jongleurs et d’aimables ménestrels ; mais la Champagne aussi n’a-t-elle pas les siens ! ne forment-ils pas un ensemble imposant par le nombre, l’esprit et la naissance de ses membres ! À Troyes, ils forment une académie, une cour de poètes présidée par un roi ; nos comtes prodiguent fortune et faveurs aux princes de la langue d’oil, à ces pères de l’idiome national, et plus d’un trou- vère flamand ou picard reçoit leurs bienfaits. Au mouvement intellectuel se joint alors en Champagne celui des nobles{ ambi- tions. Pendant les XIIe et XIIIe siècles, elle voit naître dans son sein nombre d’hommes entreprenants et de guerriers heureux : les sires de Courtenay près Sens, les seigneurs de Brienne, aux bords de l’Aube, n’ont-ils pas alors porté les couronnes de Jéru- salem et de Constantinople ! la maison de Dampierre en Cham- pagne n’a-t-elle pas, dans le XIIIe. siècle, possédé le comté de