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LA GRAND’MÈRE DE GILBERTE

fants, je vais vous conter ma propre histoire, mon histoire de petite fille ; car j’ai été jeune comme vous, j’ai eu comme Gilberte de longues boucles blondes dont j’étais fière et des joues roses comme les vôtres. En ce temps-là, j’avais dix ans, l’âge d’Anne-Marie, et je me souviens que je me demandais alors comment on faisait pour vieillir. Les années sont venues, les cheveux blonds ont blanchi, et me voici devenue matrone, dans mon grand fauteuil, d’où je ne sors guère, mais ayant devant moi mes deux chères petites-filles qui me représentent si bien ce que j’étais alors. J’avais deux frères aînés, qui n’étaient presque jamais à la maison ; le premier, qui avait dix-huit ans, était à Saint-Cyr, d’où il revenait quelquefois en congé avec un beau costume que j’admirais et qui m’imposait du respect. Le second, de quinze ans, était encore au collège des jésuites à Vannes. Il ne nous revenait qu’aux vacances, et bien que ce fût un bon camarade et que je l’aimasse beaucoup, il me traitait trop en petite fille pour que je fusse très-liée avec lui. Mais j’avais une sœur, plus jeune que moi de deux ans, et pour laquelle je me sentais une affection pro-