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quelle il était assis. Notre situation étant assez bien reconnue, nous posâmes devant moi sur la neige nos deux bâtons en croix ; je m’élançai en avant sur ces bâtons ; Pierre en fit autant, et nous sortîmes ainsi tous deux heureusement de ce mauvais pas. En examinant cette fente après en être sortis, nous jugeâmes qu’elle avait sept ou huit pieds de largeur sur une longueur et une profondeur très-considérables. L’immobilité que Pierre me prescrivait et qu’il observa lui-même était parfaitement raisonnée : dès qu’une fois la neige a soutenu, sans se rompre, tout le poids du corps et tout l’effort de sa chute, il est clair qu’elle a la force de le porter, et qu’ainsi on peut rester en place sans aucun danger ; au lieu qu’en s’agitant mal à propos, on peut la rompre ou même se jeter du côté de la longueur ou de la plus grande largeur de la fente. » (Voyage dans les Alpes. T. II, p. 69 et 70)

J’ai cité cet exemple de l’illustre historien des Alpes, parce qu’il est exempt de l’exagération dont sont entachés la plupart des récits de ce genre. Mais je ne saurais me ranger de son avis lorsqu’il conclut de l’absence d’un enfoncement au-dessus d’un aussi grand vide, que « la fente n’existait point ou n’avait du moins qu’une largeur infiniment petite dans le moment où la neige tombait ; mais qu’elle s’est formée ou que ses parois se sont écartées peu-à-peu depuis