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lonnées de petites stries plus ou moins distinctes, absolument semblables à celles qui se voient sur les surfaces polies situées à de grandes distances des glaciers actuels, comme, par exemple, celles que de Saussure remarqua sur un rocher poli du Saint-Bernard. Mais au lieu de les attribuer à l’effet des glaciers, ce naturaliste les envisagea comme une sorte de cristallisation, par la raison qu’elles sont assez semblables aux stries que l’on voit à la surface des cristaux de quartz[1]. Cette explication est évidemment fausse : de nos jours, personne n’accepterait plus l’idée de stries de cristallisation continues de plusieurs mètres, sur de grandes surfaces unies de granit. J’ai même la conviction que si de Saussure avait vu ces mêmes stries sous les glaciers actuels, il n’eût pas manqué d’en reconnaître la véritable cause, et il se fut convaincu qu’elles sont intimement liées au phénomène de mouvement des glaces. En effet, nous avons vu plus haut (p. 184), que la couche de boue et de gravier qui est intermédiaire entre le glacier et le fond, contient une quantité de petits fragmens de roches siliceuses très-dures. Par l’effet du mouvement qu’occasionne la dilatation journalière dans la masse du glacier, ces petits fragmens agissent comme autant de diamans sur la roche qui constitue le fond du glacier, c’est-à-dire qu’ils le raient, en même temps que la glace et la couche de

  1. De Saussure, Voyages dans les Alpes, T. 4, p. 383.