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verneurs un pouvoir aussi exorbitant, et dont il serait si facile d’abuser.

Loin de là, S. M., par une ordonnance du 22 novembre 1819, insérée au Bulletin des lois en 1823, a promis de faire jouir ses sujets des colonies des institutions protectrices de la métropole, de son organisation judiciaire, de ses codes civils et criminels, qui, tous, prohibent les détentions arbitraires ; par l’article 4 de cette ordonnance, il est dit, qu’en conformité du droit public des Français, tous arrêts et jugemens seront motivés, et que la peine de la confiscation des biens des condamnés est abolie.

Disposition qui ne peut se concilier avec le droit d’incarcérer et de déporter par des mesures de haute police ; car ces mesures seraient des jugemens, et par suite les ordres de bannissemens devraient être motivés.

Le bannissement dont il s’agit est tellement illégal, que l’on n’a pas osé notifier à chacun des déportés l’ordre qui le concernait ; et c’est un degré de plus dans l’arbitrairie ; car sous le régime des lettres de cachet, l’exhibition en était toujours faite à ceux qu’elles concernaient. (Nouveau Répert., v°. lettres de cachet.)

Il résulte des renseignemens transmis par les consultans, que sur les frégates où ils furent embarqués, un individu s’était présenté à eux comme secrétaire particulier de S. Exc. le gouverneur, et leur avait fait signer sur un livre, des congés en blanc, en guise de passe-ports, qui ne leur furent pas délivrés.

Ce procédé n’est qu’une déception. Il n’est que trop évident que les consuîtans ne sont pas de simples passagers, puisqu’à leur arrivée à Brest, il n’a été permis qu’à quatre d’entre eux de se rendre à terre ; que leurs compagnons d’infortune ont été conduits malgré eux à Rochefort, et qu’enfin des passe-ports pour se rendre où bon leur semblait leur sont refusés par les autorités administratives.