cevoir tous les bannis, sauf à leur rendre justice plus tard.
Il n’en fut pas ainsi : la haine des persécuteurs ne rougit pas de rendre le monde entier témoin de leur injustice : ces déportations eurent lieu pour les colonies anglaises, espagnoles, américaines, et déjà les journaux étrangers retentissent de la célébrité d’une mesure aussi désastreuse.
On compte plus de deux cents déportations[1] (dont 43 seulement pour France) ; dans le nombre sont des négocians qui ont plus de 20, 000 fr. de rente. Ceux qui sont déportés pour la France, sont des moins aisés, et, pour la plupart, illétrés ; les autres ont été envoyés enrichir des colonies étrangères, la France nourrira sans doute le reste. La terreur fut si grande, que l’émigration des hommes de couleur s’élève, dit-on, à 1, 500 personnes. Ceux qui ne furent pas arrêtés par la force, ont reçu des passeports ou congés avec invitation de quitter la colonie dans le plus bref délai.
Plusieurs étaient créanciers des créoles : on cite, entre autres, Jacob Lebrun, négociant au quartier ; de la Trinité, et Francisque, mécanicien au quartier de la Basse-Pointe, l’un et l’autre propriétaires, forcés de s’embarquer sans avoir pu obtenir le paiement de sommes assez considérables qui leur étaient dues par un magistrat.
Les créoles s’offraient eux-mêmes pour faire les arrestations, et ils y ajoutaient les traitemens les plus cruels envers des vieillards et des enfans.
Plusieurs sont morts du coup que cette arrestation leur a porté : on cite entre autres M. Bolly, qui fut embarqué malade sur la frégate la Flore, puis débarqué pour être mis à l’hôpital, puis jeté en prison
- ↑ V. ci-après, parmi les pièces justificatives, l’état nominatif des déportés, à l’époque du 15 mars 1824. Les journaux annoncent qu’elles continuent.