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D’ailleurs, dans quel pays est-il défendu de demander des améliorations au souverain par des suppliques respectueuses ? M. le gouverneur, lui-même, ne s’est-il pas rendu l’organe des hommes de couleur, sur ce point ? n’a-t-il pas reçu avec indulgence et bonté les adresses qui lui ont été remises ?

C’est parce que V. M. veut le bonheur et la prospérité de tous ses sujets, quelle a besoin d’être éclairée, et qu’il faut que toutes les réclamations parviennent jusqu’au trône, afin qu’elle les juge dans sa haute sagesse.

Tout administrateur qui empêcherait l’émission de pareils vœux, serait coupable envers son roi et envers son pays.

Quoi qu’il en soit, la publication de cette proclamation a été funeste aux hommes de couleur.

Elle donnait créance à l’existence d’une conspiration. Il ne s’agissait plus, pour les blancs, que de la consacrer par un acte judiciaire. Rien n’était plus facile. Les juges de la colonie sont des créoles ; ils partagent les préjugés de leur caste. Qui sait de quelles sollicitations, et par quelles menaces ils ont été conduits à rendre l’arrêt qui a frappé tant de malheureux !

Dès le 12 décembre 1823, une perquisition avait été ordonnée. Il semblait qu’elle devait être dirigée contre MM. Mont-Louis Thébia et Joseph Eriché, arrivés récemment de France, et nominativement dénoncés par l’adresse que nous venons de transcrire ; il paraît qu’on leur réservait le privilège d’être déportés sans jugement, de peur que dans leur défense ils ne fissent entendre les espérances que leur séjour dans la métropole a dû leur donner, et qu’ils n’en appelassent à la justice directe de V. M. et de son gouvernement. Les blancs, qui sentent que les députés des chambres d’agriculture, qui résident à Paris, et reçoivent un traitement sur le trésor de la colonie, ne sont que leurs représentans et non