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pas d’école de droit dans ces contrées, cela voulait dire, qu’ils fussent Européens, au moins en majorité.

Ce sage édit n’est pas encore exécuté à la Martinique ; le procureur-général seul est choisi parmi les magistrats de la métropole ; mais que peut un seul homme contre l’esprit colonial ? Il arrive toujours avec les meilleures intentions, mais bientôt il est circonvenu ou subjugué par son intérêt[1] ; car s’il résiste, il est révoqué ou embarqué[2].

Si les gouverneurs n’ont pu garder leur indépendance, il en doit être, à plus forte raison, de même des procureurs-généraux. C’est pour se soustraire à cette influence coloniale, et pour reconnaître les besoins des colonies, qu’il est passé en principe de renouveler fréquemment les fonctionnaires supérieurs et les magistrats.

La justice rendue par des Tribunaux ainsi constitués, ne peut être que partiale[3], et l’on peut dire

  1. Un magistrat envoyé d’Europe pour exercer, dans la ville de Saint-Pierre (Martinique), arriva dans cette colonie avec les meilleures dispositions et les principes d’équité qui caractérisent le véritable magistrat. Il fit respecter la justice, et il s’était attiré par sa fermeté les bénédictions de tous. La justice se rendait comme en Europe. Les colons se liguèrent contre lui, et firent plusieurs sorties indécentes. Il sentit qu’il ne pourrait résister longtemps ; voici en quels termes un jeune créole rendait compte de sa conversion à son oncle, ancien avocat aujourd’hui à Paris : « Je vous apprends, cher oncle, que nous avons enfin réussi à convertir au système colonial notre procureur du roi ; il est aujourd’hui comme il faut être ; nous lui faisons épouser une créole ; le voilà, en un mot, colon, quoiqu’il le soit déjà dans toute la force du terme. »
  2. Le 10 mai 1714, un procureur-général a protesté, avant son embarquement, contre la cabale formée contre lui, au sein du conseil, disant qu’il en référerait au roi.
  3. Relativement aux esclaves, un arrêt du conseil supérieur, du 20 octobre 1670, a condamné un nègre à avoir la jambe couplée pour avoir tué un bourriquet.

    10 mai 1671, Arrêt qui, pour punir Brocard d’avoir brûlé avec un tison ardent les parties naturelles d’une négresse, le condamne à 500 fr. d’amende seulement. Brocard n’ayant pas cette