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justice, si ce n’est pas là acte d’autorité légale, si ce n’est que force et violence, il est incontestable que ceux qui étaient sous le coup de cette voie de fait ont dû en être affranchis, aussitôt qu’entrés dans les limites d’une autre juridiction, ils ont réclamé le secours de l’autorité publique, parce que dans aucun pays, sinon sous les gouvernemens absolus et despotiques, le pouvoir ne peut prêter main-forte à un acte arbitraire, ni même en rester passivement témoin.

III. Surtout la France est une terre de franchise et de liberté. Un de nos rois[1] disait : « Puisque ce royaume s’appelle le royaume des Francs, je veux que la chose soit consonnante au mot. » Aussi, soit que les consultans aient été momentanément débarqués, soit qu’ils soient restés en rade, ils ont pu invoquer le privilège de tout homme qui a touché le sol français, et, de même que les magistrats français auraient qualité pour informer relativement à un crime commis sur un vaisseau en rade, de même l’autorité française devait réprimer l’acte arbitraire qui se commettait dans les eaux de la France, dans l’étendue de la domination française.

IV. Une fois qu’à la première vue des côtes de la mère-patrie les déportés de la Martinique eurent crié : France ! une fois surtout qu’en relation avec les diverses autorités françaises, ils eurent invoqué le nom du roi et l’appui des lois du pays, aucun pouvoir n’a pu prêter force d’exécution à l’acte illégal dont ils étaient victimes : hoc est contra mores Franciæ, pour rappeler ici la réponse que Suger, ce digne ministre de l’un de nos rois, avait coutume de faire lorsqu’on sollicitait de lui l’autorisation de quelque arrestation arbitraire. En France, nul pouvoir ne peut agir que conformément aux lois. Aucune loi ne donne à qui que ce soit le droit de séquestrer un Fran-

  1. Louis X, dit le Hutin, en 1315.