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ces distinctions humiliantes qui sont effacées presque partout, et qui n’existent plus guère qu’à la Martinique.

Voyons maintenant comment les Chartes de 1642 et de 1685 ont été respectées par ceux qui ont exercé l’autorité du roi dans les colonies.

Nous avons déjà signalé les moyens employés par les créoles pour subjuguer les gouverneurs. Ils en ont employé un autre bien plus efficace, qui à lui seul suffisait pour paralyser tous les efforts qu’on aurait tentés pour y maintenir l’égalité entre les castes.

Les conseils supérieurs ou cours de justice, établis dans les colonies[1], ont reçu ou usurpé le droit de faire des réglemens généraux, , et par suite, de partager avec les gouverneurs, ou même d’exercer sans partage, la puissance législative.

Que l’on parcoure dans les volumineux recueils des constitutions de Moreau de Saint-Méry, et dans le Code de la Martinique, la longue et fastidieuse série des actes de cette législation locale, et l’on verra perpétuellement les conseils supérieurs lutter contre les gouverneurs[2], refuser d’enregistrer leurs ordonnances[3], et publier eux-mêmes des réglemens odieux et tyranniques[4].

  1. Celui de la Martinique a été institué par édit de Louis XIV du 11 octobre 1664 ; et jusqu’en 1684 les arrêts et réglemens de ce conseil ont régi Saint-Domingue et ses dépendances.
  2. Le 3 octobre 1700, le gouverneur s’est plaint de ce que le conseil avait fait contre lui information de vie et mœurs. Le 1er juin 1815, le conseil supérieur de la Guadeloupe a délibéré des remontrances au roi contre l’enregistrement d’une ordonnance.
  3. Ils les ont même souvent annulées, et le ministre a été obligé de rappeler aux gouverneurs qu’ils ne devaient pas le souffrir. Lettres des 14 avril 1710, et 20 avril 1711.
  4. Le 16 février 1660, défense aux femmes de monter dans les chambres hautes des marchands magasiniers et cabaretiers, hors la présence de leurs maris, à peine de 4000 fr. d’amende et du baillon et carcan.

    13 octobre 1671, établissement contre les nègres des mutilations et de la peine du jarret coupé.