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le pouvoir administratif de la déportation arbitraire qui anéantit ce titre.

Liberté et pouvoir arbitraire de déportation sont deux choses absolument incompatibles. Comment concevoir la faculté d’agir librement, quand toute action peut exposer à la déportation, parce qu’il n’en est pas qui soit exempte du soupçon. Quelle idée possible se faire de deux classes d’hommes libres dont aucune n’a la certitude que la propriété de sa personne sera respectée ? Quelle prétention peut soutenir, quels droits peut invoquer, quelle autre propriété peut disputer avec sécurité celui qui n’a pas la première de toutes les sûretés, celle de sa personne ? Il n’y a point de propriétés là où existe un homme revêtu du pouvoir d’en ôter la jouissance à son gré et à chaque instant.

Il n’y a point de lois, point d’organes des lois, là où existe un homme qui impose silence aux lois et à ses organes. Si l’on réside sur le territoire, c’est qu’il le veut bien ; si l’on y respire, c’est qu’il y consent ; si l’on possède, c’est qu’il n’a pas encore dépossédé. « N’avoir pas la propriété de ses biens, dit M. de La Chalotais[1], c’est être esclave ; n’avoir pas la liberté de sa personne, c’est le plus grand esclavage que les lois civiles connaissent. Ce degré de la dégradation de l’humanité suppose le plus grand despotisme. »

On ne peut pas dire, sans blasphémer contre la Charte et son auguste auteur, qu’elle a effacé le titre d’hommes libres pour les deux castes des habitans des colonies. Et il faut conclure qu’elle aurait aboli le pouvoir arbitraire de déportation, s’il avait existé, comme incompatible avec la liberté qu’elle fonde ou qu’elle maintient.

L’ordonnance du 22 octobre 1819, digne émana-

  1. Sur les constitutions des Jésuites.