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blic qu’il lui dénoncé, après les avoir préliminairement fait arrêter.

Dans aucun cas, on ne peut trouver dans ce texte le droit administratif de déporter, puisque la déportation est précisément une peine du haut criminel, qui, si elle était méritée, aux yeux du gouverneur, l’obligerait à remettre le prévenu ès-mains de la justice ordinaire pour lui faire son procès.

4°. L’ordonnance de Louis XVI, du 22 mai 1775, qui défend encore, en statuant sur le gouvernement civil, aux gouverneurs, d’entreprendre sur les fonctions des officiers de justice.

Cette ordonnance, conforme sur ce point à celle du 21 mai 1762, prouve seulement qu’il y avait une propension d’usage dans les gouverneurs des colonies à empiéter sur le pouvoir judiciaire.

Si l’ancien ordre de choses ne renferme aucune attribution administrative du pouvoir de déportation, le régime constitutionnel n’est assurément pas propre à le créer.

L’art. 73 de la Charte, en disant que les « colonies seront régies par des lois et réglemens particuliers, » ne leur promet certainement pas le pouvoir arbitraire de déporter sans jugemens les habitans des colonies. Il leur fait espérer au contraire une prompte assimilation des lois coloniales à celles de la métropole, avec les seules différences indispensables aux localités. Ainsi l’abolition de l’esclavage qui exige, dans l’intérêt même des esclaves, des mesures transitoires pour les conduire à la liberté sans danger pour eux et pour la colonie, peut résister à l’idée d’une subite assimilation de la législation coloniale. Ainsi la distinction établie, par le fait, entre les deux castes d’hommes libres, présente peut-être de sérieuses difficultés dans l’égalité politique et dans le nivellement de ces deux classes : mais le titre d’hommes libres qui leur est commun, s’il admet des distinctions dans les droits politiques, ne peut reconnaître