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dont la mesure à leur égard n’est que provisoire et soumise à l’approbation de Votre Majesté, ils invoquaient son propre témoignage et ils attendaient avec confiance, un acte éclatant de la justice de Votre Majesté. — En l’obtenant, ils auraient renoncé à la réparation légitime des pertes que leur déportation a déjà occasionnées, et des angoisses de leurs familles. — Ils se seraient efforcés d’oublier la manière cruelle et outrageante dont ils ont été traités par les créoles au moment de leur arrestation, la mort de plusieurs d’entre eux, la ruine de leur crédit, l’expatriation de quinze cents de leurs compatriotes ; ils auraient eu le courage de faire ce sacrifice au bien de la paix et au désir d’une réconciliation sincère.

Venus sur cette terre de France qui est une terre de liberté même pour les esclaves, ils s’attendaient que leurs fers allaient tomber.

Mais voilà que tout-à-coup, sans qu’on ait daigné répondre à aucune de leurs suppliques, sans qu’on leur ait notifié l’acte en vertu duquel leur personne est séquestrée au mépris des lois, ils sont arrachés violemment à la justice de la métropole, et conduits comme des criminels au Sénégal pour y périr dans les déserts.

Le 24 juin ils ont été embarqués, malgré leurs protestations, malgré leurs cris de désespoir, malgré l’invocation qu’ils faisaient du nom sacré de V. M., à bord du navire le Chameau, qui n’attend pour appareiller, vers le Sénégal, que des vents favorables.

Nous espérons encore que la Providence, qui protège le malheur et l’innocence, empêchera les vents de souffler avant que V. M. ait pris connaissance de l’acte irrégulier que nous sommes forcés de dénoncer aux tribunaux.

Les déportés résidant à Brest sont menacés du même sort ; ils ne sépareront jamais leur cause de celle de leurs compagnons d’infortune.