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possession antérieure légitimée par la mise en culture, les premiers colons, presque tous aventuriers, en abandonnant la flibuste[1], et devenant planteurs, parce qu’il y avait moins de dangers, abusèrent à si haut point du prétendu droit de la victoire, qu’ils firent périr les habitans par le fer ou les réduisirent en esclavage, et lorsque cette innocente population[2] eut disparu presque tout entière par leur barbarie, ils la remplacèrent par l’odieux trafic connu sous le nom de traite des noirs.

Ces abus cruels demeurèrent sans aucune répression jusqu’au milieu du dix-septième siècle, qu’ils excitèrent l’attention et éveillèrent la sollicitude et l’humanité de nos rois. Le gouvernement intervint pour empêcher les mêmes excès de se renouveler.

On ne pouvait détruire le mal dans sa racine ; on y chercha des palliatifs.

Louis XIII ne consentit qu’avec beaucoup de peine[3] à souffrir que les premiers habitans des îles eussent des esclaves. Fidèle à cet ancien principe, que toute terre soumise à la souveraineté du roi de France, est une terre de liberté, il voulait que tous ses sujets des colonies fussent libres ; mais on parvint à lui persuader, contre les principes les plus certains de la religion chrétienne, que le maintien de l’esclavage était le plus sûr, et même l’unique moyen de tirer les Africains indigènes de l’idolâtrie.

Un édit rendu par ce prince à Narbonne, au mois de mars 1642, donna les îles de l’Amérique, et no-

  1. Voyez le père Labat, l’Histoire générale des Voyages, liv. VIII, chap. 1er , 2 et 3, et les Annales de Saint-Domingue et de la Martinique. Ducasse, qui a été gouverneur de Saint-Domingue en 1711, avait été chef des flibustiers ou pirates. Une déclaration du roi du 5 juillet 1722, défend d’envoyer à l’avenir aux colonies des vagabonds et gens sans aveu.
  2. Les Caraïbes.
  3. Le père Labat, cité Histoire générale des Voyages, par La Harpe. Liv viii, chap. 2, pag. 138, édition in-12. — 1822.