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N° XXXVII. Certificat constatant la mort de M. Germain-Saint-Aude, père[1].

Brest, 2 août 1824.

Les soussignés attestent et certifient que le sieur Germain-Saint-Aude, père, propriétaire à la Martinique, presque septuagénaire, arrêté dans la journée du 23 décembre 1833, et conduit à bord de la goélette du roi la Béarnaise, en rade de Saint-Pierre-Martinique, a été transféré le même jour sur la frégate du roi la Constance, et s’est précipité dans les flots, dans la nuit du 23 au 24 dudit, poussé par le désespoir. On ne peut douter de la fin malheureuse de cet infortuné vieillard, car il ne savait pas nager. En effet, lorsque le feu prit abord de la Béarnaise, dans la matinée du 23, se croyant perdu, il s’écria qu’il était entre le feu et l’eau sans espoir de salut, ne sachant pas nager. Depuis encore, le fils Saint-Aude, arrêté pour remplacer le père, a répété plusieurs fois la même chose en présence de tous les déportés. C’est aussi ce qu’il a affirmé avoir répondu à M. le procureur du roi de Saint-Pierre, lorsqu’il fut questionné par ce magistrat, qui, malgré tout, lui déclara qu’il serait détenu jusqu’à ce que son père se représente.

D’après ces détails, il devient presque inutile d’observer que la frégate la Constance, d’où il s’est précipité, était mouillée à une demi-lieue en mer, et que malgré tous les efforts pour sauver le sieur Germain-Saint-Aude, les embarcations mises aussitôt à la mer, les fanaux allumés sur les cris de l’un des déportés (le sieur Zacharie Armand) n’ont pu retrouver que son chapeau qui flottait sur les eaux. Il eut été en effet impossible de le sauver, attendu que les vents venaient de terre, que les courans portaient au large, que la mer était très-agitée et la nuit fort obscure.

J.-H. Millet, J. Eriché, Thébia, H. Laborde.
  1. Nous sommes informés que, dans la décision secrète du 27 décembre 1823, on suppose faussement que M. Germain Saint-Aude père s’est évadé, et que l’on craint qu’il n’incendie la colonie.