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N° XXXIV. À M. Gillart de Kauflech, Procureur du roi, etc.

Brest, 30 juillet 1824.

Ont l’honneur d’exposer, les sieurs Joseph Eriché, etc., tous négocians et propriétaires de la Martinique, actuellement à Brest, rue du Château, n° 42, où ils déclarent faire élection, de domicile, aux fins des présentes, que par requête du 17 mai 1824, ils vous ont fait connaître la mesure arbitraire dont ils étaient les victimes, vous suppliant, au nom des lois et de l’humanité, de faire cesser la violence exercée contre eux. Déjà, hélas ! l’injustice est presque consommée envers leurs malheureux compatriotes, destinés peut-être à expier dans les sables brûlans du Sénégal, le tort irréparable d’être nés dans la classe des hommes de couleur. Mais tout espoir n’est pas perdu pour les exposans ; ils habitent encore le sol français ; ils peuvent en invoquer les lois comme sujets de S. M. Les autorités chargées d’en surveiller l’exécution ne sauraient être sourdes à la voix de tant de Français réclamant contre l’oppression la plus monstrueuse. Ce ne sera pas en vain que l’auguste auteur de la Charte aura proclamé que la liberté individuelle est garantie, et que personne ne pourrait être arrêté ou détenu que dans les cas prévus par les lois et dans la forme qu’elles prescrivent. Vous croirez à peine, M. le procureur du roi, que des sujets français, au sein même de la métropole, demeurent dans un état de détention sans qu’on leur exhibe ni jugement rendu contre eux, ni même aucun acte de prévention. Telle est pourtant la triste position des exposans, depuis plus de deux mois qu’ils habitent cette ville ; c’est en vain qu’ils ont sollicité à plusieurs reprises, et aujourd’hui même encore pour qu’il leur fut délivré des passe-ports, afin de se rendre à Paris où les appellent leurs affaires commerciales. M. le sous-préfet les retient à Brest, et ne produit aucun acte légal qui autorise une telle entrave à la liberté individuelle. Cette atteinte à nos droits les plus chers ne pouvait échapper à la sagesse du législateur. Des peines sévères sont prononcées contre tout auteur d’une détention arbitraire ; et, dans cette circonstance, les exposans s’estiment heureux, M. le procureur du roi, que les lois dirigent leurs réclamations vers un magistrat aussi éclairé qu’ami des lois et de la justice, vers vous enfin. — En conséquence, M. le procureur du roi, les exposans portent plainte pour cause de détention arbitraire, contre M. le sous-préfet de Brest, ainsi que contre tous autres auteurs ou fauteurs de cette mesure illégale, et déclarent formellement se constituer parties civiles pour obtenir conformément aux lois toutes réparations et tous dommages-